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L'Espagne, comme souvent, a suivi sa propre voie : le XIXe siècle a été caractérisé par une musique orientée sur les traditions nationales; contrairement à l'Europe centrale, il y avait moins de grandes symphonies et opéras mais plutôt de nombreuses chansons avec l'instrument classique pour l'accompagnement, la guitare. Cela, bien sûr, ne dit rien sur la qualité de la composition - deux des grands représentants de la musique espagnole de cette époque, Enrique Granados et Manuel de Falla - qui, bien sûr, ont également composé de la musique symphonique - ont servi ce genre avec de nombreux trésors qui combinent parfaitement mélodies folkloriques et sophistication de la composition. Ses deux cycles montrent le style personnel et très individuel, qui inspire la soprano Nuria Rial de renommée mondiale et maintes fois primée dans un fascinant cosmos vocal hors des sentiers battus. Piste 1 à 7 : "Siete canciones populares espanolas", Piste 8 à 18 : "Tonadillas en estilo antiguo (Poemas de Fernando Periquet)", Piste 19 à 20 "Madrigal y cinco canciones sefardies".

Ouvrage de la grande maturité, Roméo et Juliette de Berlioz - du moins dans sa forme complète - n'a jamais vraiment percé sur les scènes ni dans les orchestres : certes, on entend souvent la Scène d'amour, isolée, ou le Scherzo de la reine Mab, tout aussi isolé. Mais l'oeuvre entière, les sept numéros - en particulier les scènes chantées -, que nenni. C'est que Berlioz a, encore une fois, été presque trop original. Ce n'est pas vraiment un opéra, pas vraiment une symphonie, et à la différence par exemple de la Neuvième de Beethoven, les paroles sont quand mêmes celles d'un opéra et non point d'un simple poème. Bon... Il n'en reste pas moins que ce nouvel enregistrement, réalisé en public par le London Symphony Orchestra et Valery Gergiev, déborde de la vitalité et des coloris que l'on connaît aux orchestres britanniques. Les trois solistes vocaux : Olga Borodina, Kenneth Tarver et Evgeny Nikitin, compensent par une superbe qualité vocale les quelques errances dans la prononciation du français...

Imprimés en tête des Hymnes de l'église pour toucher sur l'orgue (1623) de Jehan Titelouze, ces vers du poète rouennais Pierre Bardin (1595-1635) célèbrent l'un des plus grands musiciens du règne de Louis XIII. On savait que Titelouze, considéré depuis longtemps comme le fondateur de l'école française d'orgue, avait laissé également de la musique vocale, présumée perdue. La récente découverte de quatre messes polyphoniques composées par l'organiste fut un évènement précieux, qui permet aujourd'hui d'apprécier dans toute sa diversité ? Son génie contrapuntique. Seules messes polyphoniques rouennaises du XVIIe siècle qui nous soient parvenues, elles constituent un précieux maillon dans la connaissance de la vie musicale de la riche capitale normande et de sa cathédrale Notre- Dame, dont Titelouze tint l'orgue de 1588 à 1633.

La rigueur est le maître mot du style de Jean-Philippe Collard, ce qui peut apparaître comme un fantastique paradoxe lorsque l'on découvre l'imagination de ses interprétations. La beauté de son piano fait imaginer cette Espagne sensuelle, parfumée et délicate. Apparaissent alors des Goyescas populaires, presque improvisées et comme chantées par les voix d'un opéra imaginaire !

Au cours des premières décennies du vingtième siècle, Walter Braunfels (1882-1954) comptait parmi les compositeurs allemands les plus performants. Cependant, lorsque les nazis se sont emparés du pouvoir, ses oeuvres, y compris son très populaire "Die Vögel" (Les Oiseaux) après "Aristophane", ont soudainement disparu des théâtres et des salles de concert. Braunfels devait entrer dans l'émigration intérieure, mais cette expérience a généré des énergies créatives surprenantes en lui. Entre autres, vers la fin de la guerre, il "découvrit" les opportunités offertes par la musique de chambre, ce qui élargit considérablement ses horizons. Deux quatuors et un quintette pour cordes ont été les premiers fruits de cette nouvelle expérience, articulée dans un style fascinant et indépendant - dans une musique qui n’a pas oublié ses racines historiques et son profil impressionnant a jeté un regard sur un avenir qui se fait progressivement progressivement. semble se dessiner: le très expressif Quintette à cordes (1944-1945) dans la version d'ensemble de l'élève de Braunfels, Frithjof Haas, et le tout aussi original que virtuose, Sinfonia concertante (1946-1947), donnent l'impression d'avoir été écrit pour des temps ont laissé derrière eux la soi-disant avant-garde.

Le cycle de " Lieder " de Brahms " La Belle Maguelone " date de 1860. Aux côtés du répertoire composé par Schubert et Schumann, les " Lieder " de Brahms constituent les références en matière de musique vocale allemande avec piano. Le grand baryton allemand Christian Gerhaher est ici accompagné par le pianiste Gerold Huber. Gerhaher a effectué ses études de chant sous l'autorité de Paul Kuen et de Raimund Grumbach. Il a bien sûr surtout suivi les master-classes de Dietrich Fischer- Dieskau, d'Elisabeth Schwarzkopf et d' Inge Borkh, ce qui fait de lui l'un des récitalistes les plus remarquables de la scène internationale d'aujourd'hui.

Placé sous le signe du romantisme noir, le nouveau disque du Novus Quartet réunit deux oeuvres majeures du répertoire. Les quatre musiciens de la très exigeante formation coréenne, dont la période romantique est le terrain musical de prédilection, mettent leur virtuosité au service de l'expression des bouleversantes Suite lyrique de Berg et Jeune Fille et la Mort de Schubert.Chacune à leur manière, ces oeuvres procèdent à un cryptage. Berg camoufle son amour dans un jeu de correspondance lettre/note. Schubert sublime la peur de la mort par une mise en abyme d'un lied de jeunesse intitulé La Jeune Fille et la Mort qui transforme cette dernière en réconfort ultime. De la sorte, le mystère des liens entre Eros et Thanatos est exprimé plus puissamment encore qu'avec les mots. Car l'entremêlement des réminiscences - Schubert se citant lui-même et Berg rendant hommage à la Symphonie lyrique de Zemlinsky - tisse un discours poétique irrésistible et halluciné.Plus que l'amour, c'est peut-être la folie qui unit ces deux oeuvres dans un disque où le Novus Quartet fait entendre l'étendue de ses talents en matière de musique romantique, jusque dans les ténèbres.

Considéré comme le premier opéra de l'histoire, L'Orfeo de Monteverdi, créé en 1607 au palais ducal de Mantoue, est un chef-d'oeuvre unique dans sa manière de penser et de représenter la musique qui n'en finit pas d'inspirer les plus grands. Emiliano Gonzalez Toro, au coeur de son ensemble I Gemelli, signe son troisième enregistrement pour naïve avec cette lecture luxuriante recentrée autour de la voix, qui exalte à la fois l'esthétique héritée de la Renaissance et la modernité d'une partition virtuose. Cette production, saluée sur les scènes de Paris et Toulouse fin 2019, a pour singularité d'être conduite " de la voix " par le ténor, qui incarne le rôle-titre tout en dirigeant chanteurs et instrumentistes. Emiliano Gonzalez Toro y affiche son soin - pour lui mais aussi pour les dix solistes qui l'entourent - de lignes vocales richement ornementées et contrastées dans leurs dynamiques et leurs climats, tenant toujours en tension la narration et les interventions des personnages. De cette fragmentation inhérente au poème de Striggio, par ailleurs modèle de proportions et d'équilibre pour cette favola in musica, les interprètes ici réunis tirent mobilité et créativité, grâce auxquelles la récurrence n'est jamais répétition et les scènes pastorales bonifient les moments d'introspection comme " Rosa del ciel " (acte I), le célèbre " Tu se' morta " (acte II) ou l'arrivée d'Orphée aux Enfers à l'acte III (" Scorto da te "). Un continuo très inventif dans ses partis pris de timbres et d'accompagnement enrichit la texture vocale et instrumentale, dominée par les violes et étoffée d'un ceterone de 1600 issu des collections du musée de la Musique de Paris. De quoi libérer du mythe une véritable dimension festive, un puissant souffle divin.